Après les interviews de Violaine expatriée à Belfast, de Camille du blog L’Oiseau Rose, ou encore de Rafael habitant de la favela Rocinha à Rio de Janeiro, je vous propose de faire connaissance avec une femme engagée et généreuse pour laquelle j’ai beaucoup d’admiration. Myriam est la fondatrice de l’association humanitaire Femmes en Action et je tenais particulièrement à vous en parler car il me semblait important de mettre aussi en avant ces personnes qui se battent chaque jour pour faire avancer les choses, pour permettre à d’autres de vivre mieux, d’apprendre et de s’instruire.
PORTRAIT DE MYRIAM, FONDATRICE DE FEMMES EN ACTION
Salut Myriam, peux-tu te présenter aux lecteurs de notre blog voyage ?
Salut Clo, merci infiniment de me donner la parole sur ton blog !
Dans quelques jours j’aurai 29 ans et j’habite dans une région pas très attirante qui est la Marne. J’ai essayé, après le bac, de faire une licence d’histoire de l’art et d’archéologie qui finalement m’a vite ennuyée, et je suis donc partie 9 mois en tant que fille au pair en Ecosse. J’ai passé un diplôme de cuisinière et ensuite travaillé quelques années en tant que saisonnière agricole ou en cuisine et ça m‘a permis de financer mes voyages !
Je suis donc allée en Inde, à Madagascar, au Sénégal, au Vietnam, aux Etats-Unis et au Canada (le choc par rapport à mes voyages dans les pays en voie de développement !! je ne m‘en suis toujours pas remise !) et au Kosovo.
Je me rends compte à présent que ça n’est pas la durée d’un voyage qui fait qu’on connait un pays, mais les rencontres qui nous le font découvrir. Et je ne parle pas des rencontres de voyageurs ! Je ne suis pas du genre à rechigner pour payer un audio-guide lors d’une visite d’un château ou une étudiante pour qu’elle me fasse la traduction. Beaucoup de voyageurs maintenant ne jurent que par le « se débrouiller soi-même, communiquer avec les mains ». J’adore découvrir les cultures différentes, les mœurs, les traditions. C’est ce qui fait l’âme d’un pays ! En parlant avec des gestes, comment aurais-je pu savoir ce que j’ai appris sur le culte des ancêtres au Vietnam ?
Grâce à cette immersion, j’ai pu assister à des cérémonies dans tous les pays où je suis allée : mariage, anniversaire de la mort d’un ancêtre, culte du fétiche. J’ai appris des choses extraordinaires au Vietnam alors que je n’y suis restée que 15 jours et je trouve vraiment dommage à présent que le voyage se calcul sur la durée et non sur l’intensité.
Le voyage et surtout l’humanitaire, prennent une place importante dans ta vie. D’où cela t’est venu et comment as-tu décidé de travailler dans ce domaine ?
J’ai commencé à voyager lorsque je suis partie en tant que fille au pair en Ecosse, puis j’ai continué à voyager seule en Inde et ce voyage a été le déclic. Le déclic par rapport à la pauvreté, à ce que nous pouvons faire pour aider les autres, changer le monde et le rendre plus juste. J’ai donc fait en 2013 une initiation à la gestion de projet humanitaire et de développement. C’était une envie qui me trottait depuis mes 16 ans et j’ai pu enfin trouver ma voie grâce à cette formation. Je suis partie en stage aussitôt ma formation au sein de l’association malgache ODADI (Organisation D’Appui au Développement Intégré) pour 1 mois et je suis rentrée ensuite en France. L’année suivante, en 2014, je suis allée 4 mois au Sénégal au sein d’une association où ça ne s’est pas bien passé (l’association n’existait que sur le papier au final..). La même année je suis repartie terminer mon stage au sein de l’association ODADI. Le contraste entre ces 2 associations m’ont appris beaucoup de chose (tout comme le voyage au Sénégal, où j’ai découvert les loupés des grosses ONG) et j’ai pu voir et comprendre le sérieux de l’association ODADI. Celle-ci a pour but d’améliorer les conditions de vie des ruraux malgache. L’association soutien les ruraux en les formant à de nouvelles techniques agricole, apicole, à la cuisine, la couture. Bref, ODADI fait tout pour que les ruraux améliorent leur manière de travailler, pour augmenter leur revenu et hausser le niveau de vie.
Entre tous ces voyages, je me suis décidée à aider vraiment ODADI, mais à partir de la France. Je souhaitais leur trouver des financements pour leurs projets, notamment le projet de construire une cuisine dans leur centre rural Patrakala. Cette cuisine était utile pour les formations que l’association dispensait (et dispense toujours) aux femmes de brousse ainsi que pour la cantine scolaire. J’ai réussi à fédérer une immense vague de solidarité et trouvé 2.500€ ! C’était une sacrée victoire pour moi qui n’avait jamais fait ce genre de chose. Cette 1ère campagne de crowfunding a été un succès. Et ça m’a donné envie de continuer.
Tu as crée l’association humanitaire Femmes en Action. Pourquoi avoir choisi ce nom ?
Dans le développement, il est prouvé (grâce à des indicateurs) que les projets aboutissent mieux avec les femmes qu’avec les hommes. Une femme restera toujours là où elle habite, avec ses enfants alors qu’un homme, voyant que le projet stagne ou n’aboutit pas comme il l’imaginait, abandonnera plus facilement le domicile familial. Les femmes sont plus sûres et plus persévérantes que les hommes.
Ces mêmes indicateurs nous montrent que les femmes peuvent changer leur vie de manière radicale:
- Dans les pays en développement les femmes investissent 90% de leur revenu pour leur famille
- Depuis 20 ans, l’éducation des filles a permis de sauver la vie de 2 millions d’enfants à travers le monde
- Si toutes les filles achevaient leur études primaires, la mortalité infantile reculerait de 15%
Tous ces indicateurs montrent que lorsque les femmes se bougent, qu’elles se mettent en action, elles peuvent changer les choses. D’où le nom de Femmes En Action !
Peux-tu nous en dire plus sur ton association ?
Pourquoi je l’ai créé est un peu le sujet qui fâche.. ! Après avoir été 2 fois en stage chez ODADI, j’ai décidé de ne m’engager à fond qu’avec eux. Je préfère faire les choses très bien avec une asso que pas trop bien avec plusieurs. A l’époque, ODADI a un partenariat avec une association qui l’aidait depuis de nombreuses années. Je me suis donc engagée dans cette association mais je me suis vite rendu compte que certain membres ne voulaient absolument pas développer l’association française et aider ODADI avec de plus gros projets.
Et ça m’a franchement énervé. Un soir que nous avons prévus de signer une convention de partenariat (utile pour déposer un dossier de demande de financement 24h après, dernier délais) entre les 2 assos pour avoir plus de garantit (l’argent mettait des mois à arriver à Madagascar et ça n’était plus possible de continuer ainsi), l’association française a refusé de signer la convention sous un prétexte bidon (qui, après avoir consulté un spécialiste, n’était absolument pas valable).
Ce soir-là c’est en pleurs que j’ai contacté mes plus proches amies, pour leur demander leur aide et voir si elles accepteraient de créer une association avec moi. 2 amies sur 3 ont accepté et l’aventure a démarré là !
Nous avons donc décidé de créer Femmes En Action avec pour but premier d’aider les associations des pays en voie de développement. Ces assos, lorsqu’elles font des demandes de financement en Europe, doivent obligatoirement avoir un partenaire français (une sorte de garant). Bien souvent elles n’ont pas ce garant et nous, FEA, sommes là pour les aider !
Toutefois, nous ne voulons travailler qu’avec des associations que nous connaissons bien, pour être sûre que les projets vont être suivis et fait comme il faut. D’où l’idée d’aider seulement ODADI pour l’instant.
Dans nos statuts, nous avons mis que le but principal était de de favoriser la promotion de l’éducation et de la santé des enfants, d’assurer la promotion de la santé, de l’éducation et de la formation des femmes et des jeunes filles et d’aider les populations en difficultés. Ce dernier point nous permet de nous dire que nous ne nous fermons à aucun projet.
Quelles sont vos actions tout au long de l’année ?
Concernant les actions en France nous participons à divers marchés de Noël et quelques fois des brocantes pour vendre de l’artisanat malgache. En effet, c’est grâce à ces ventes que nous pouvons financer des actions à Madagascar.
Toutefois, nous avons remarqué que les ventes à domicile type Tupperware étaient bien plus rentables et conviviales que des marchés. Lors des réunions nous pouvons expliquer plus en détail nos actions et les gens s’intéressent plus lorsqu’ils ont du temps devant eux. Maintenant je privilégie ce genre de vente, qui demande moins de préparations.
Concernant les actions à Madagascar, grâce à la vente d’artisanat et aux dons, nous avons pu en 2016 financer pas mal de choses !
En 2015 nous avons acheté 60 kits pour l’EPP (Ecole Primaire Publique) d’Andozoka.
Ces kits scolaires sont très importants pour les enfants et les parents. Les enfants n’ont bien souvent pas de quoi copier et étudier leur leçons. Ces kits leur fournissent le nécessaire : cahiers, crayons, ardoise, craies, chiffon, règles, protèges cahiers et en fonction des classes, équerre, compas, rapporteur. Cet achat soulage le budget des parents qui sont plus enclins à envoyer leurs enfants à l’école.
Les cotisations de 2015 ont servis en 2016 à acheter 2 machines à coudre à pédale pour les formations couture. Actuellement il y a 20 femmes qui suivent ces formations.
Ces formations coutures ont plusieurs buts:
- donner confiance aux femmes, les sortir de chez elles et les amener à se sentir fière de faire quelque chose par soi-même
- leur apprendre une technique qui leur permet de créer elles même leurs habits et dépenser moins d’argent pour en acheter
- leur apprendre un métier et les aider à mettre en place une AGR: Activité Génératrice de Revenus qui leur permettra d’augmenter leur revenus, donc leur niveau de vie et celle de leur famille, donc permettre à leur enfant de suivre une scolarité normale ou même de manger à leur faim.
Lors de mon passage au sein d’ODADI, j’ai pu voir les avancées de l’association et d’un commun accord avec l’équipe de FEA en France, j’ai proposé à ODADI de construire une salle de couture au centre Parakala. Les donateurs de 2016 avaient été très généreux et nous pouvions faire cette actions.Les fondations ont donc été faîtes lors de mon passage en novembre 2016 et le bâtiment est à présent terminé.
Jusque-là, les femmes ne pouvaient utiliser les machines à coudre et suivre des formations que lorsque celles-ci étaient prévues. Le bâtiment utilisé était le même que pour les formations agricoles, la cantine scolaire etc. Du coup il fallait tout déballer et tout ranger à chaque séance de couture, c’était une perte de temps.
Grâce à ce bâtiment couture, les femmes vont pouvoir venir lorsqu’elles seront libres, sans attendre les journées de formations. La responsable du centre Patrakala, qui est également la formatrice couture, est toujours sur le site et pourra conseiller et former les femmes dès qu’elles le pourront.
J’en ai profité à ce moment-là pour leur montrer des petites choses qu’elles pouvaient coudre, comme les sacs qui se replis sur eux-mêmes et tiennent dans la poche. Elles étaient émerveillées avec ça et avaient hâte d’essayer de les coudre !
Lors de ce même séjour à Madagascar en 2016, FEA a mis en place une campagne de financement participatif, afin d’acheter des fournitures de couture. Nous avons récolté plus de 200€.
Peux-tu nous parler du projet pour l’école d’Andozoka à Madagascar
Lorsque je suis allée à Madagascar en novembre 2016, j’ai visité l’école d’Andozoka. FEA avait décidé de les aider en 2015 à la demande d’ODADI. En effet, cette dernière avait pris connaissance de l’école d’Andozoka où les conditions d’études étaient vraiment compliquées pour les enfants : un stylo pour deux, pas de fournitures scolaire basique (règles, ardoises, craies), pas de sacs. Le directeur d’école habite loin de l’EPP et du coup il reste sur place pendant la semaine et habite dans une des classes, son lit étant juste séparé d’un rideau
Eulalia Beratto, la présidente d’ODADI, après avoir vu cette classe, m’avait dit « mais on est où là ? tu te rends compte dans quelles conditions ils doivent étudier ? »
Pour qu’elle-même, malgache, sois choquée de ces conditions, il fallait vraiment que la situation soi grave.
Avec Femmes En Action nous avons donc décidé de fournir des kits scolaires pour les enfants.
J’ai donc été rencontrer les enfants bénéficiaires de ces kits lors de mon dernier voyage. Et ce que j’ai vu m’a rendu triste et désemparé. La salle des maternelle, avec son bac à sable sans jouet, son berceau avec un morceau de bois pour figurer le poupon et ses dessins de collage avec du riz m’ont fendillé le cœur. J’ai repensé à ma salle de classe de maternelle, de primaire et j’ai vraiment été en colère que des mômes qui sont nés du mauvais côté de la barrière, soient obligés d’étudier dans des conditions pareilles.
J’ai vu les livres d’école datant de 1995, même pas assez nombreux pour tous les élèves.
Ensuite j’ai écouté les professeurs nous expliquer qu’il n’y avait pas de fournitures scolaires appropriés aux âges de chacun (unité de mesure pour étudier, puzzle, affiches sur la géographie etc.) et que les tables bancs manquaient.
Alors j’ai parlé de cette école aux membres de FEA et nous nous sommes mis d’accord pour aider une nouvelle fois les enfants, mais à travers leur école et le matériel que nous souhaitons lui fournir.
C’est pour cela que nous avons mis en place une page de financement participatif, afin de récolter 500€. 400€ pour acheter tout le nécessaire (sur place !) et 100€ pour les frais divers (il y a déjà 30€ d’essence pour amener le tout sur place, plus l’essence pour aller acheter le nécessaire, plus les frais de personnel et lors de la remise de ces fournitures, un goûter sera offert aux enfants).
Comment pouvons-nous vous aider ?
Pour nous aider, vous pouvez le faire de plein de manières différentes !
- Liker notre page Facebook.
- Vous pouvez adhérer à FEA en cliquant ici.
- Les adhésions servent chaque année à des projets différents. Par contre, au bout de 3, 6 et 10 ans d’adhésion, vous avez droit à une petite contrepartie !
- Vous pouvez décider de faire un don unique ou chaque mois .
- Vous pouvez aussi acheter de l’artisanat malgache en vente sur mon site internet Les Voyages de Myriam.
À coup sûr vous pouvez vous faire plaisir ou faire un cadeau original et pas cher !
Il y a aussi des manières de nous aider qui ne signifient pas forcément donner de l’argent ! En parlant autour de vous de nos actions, en relayant nos appels à l’aide, nos articles Facebook et du site internet.
Cela ne demande pas de compétences particulières ni beaucoup de temps !
Pour aller plus loin, vous pouvez aussi être un relais point de vente d’artisanat malgache et ainsi faire connaître l’association FEA et nos actions à Madagascar.
Il suffit juste de nous contacter à cette adresse mail : femmesenaction@hotmail.com et nous vous donnerons plus d’infos. Nous avons créé un document spécial pour les gens qui cherche à nous aider mais ne savent pas trop comment s’y prendre. Demandez le-nous/moi et nous vous l’enverrons.
Un grand merci à Myriam d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et d’avoir partagé ses photos avec nous !
6 Comments
Bravo à Myriam, c’est super ce qu’elle entreprend, il en faut du courage!
Quelle merveilleuse femme. Jeune mais néanmoins consciente des choses tout en restant déterminée.
Je pense que beaucoup se reconnaîtront dans la description qu’elle fait de ce qui fait le vrai voyage : les rencontres. Mais avec les locaux, les gens qui sont aussi sur le « terrain », prêts à investir certes de l’argent (il en faut bien) mais aussi et surtout, du temps et de l’énergie.
D’ailleurs, je reste moi-même plusieurs mois dans un pays, le temps de bien m’immerger dans la culture. Je prends parfois même des cours pour apprendre la langue.
Myriam touche au plus près le cœur du pays, ce qui le fait battre, pomper sa vie : mariages, anniversaires, cultes…
Ça fait longtemps, donc, qu’elle est attirée par l’humanitaire… À croire que si quelque chose est fait pour nous, cela « revient » à nous jusqu’à ce qu’on le fasse. Jusqu’à ce qu’on entende son appel.
C’est une mine d’infos et de connaissances qu’elle a à son actif avec toutes ces expériences vécues.
Je suis tellement admirative de son parcours et de sa détermination à faire avancer les choses.
Son expérience lui a permis de créer sa propre organisation, de savoir ce qu’il faut éviter, ce à quoi il faut faire attention…
Merci de ce très beau partage, Clo. C’est une bien jolie idée et une aide précieuse que tu apportes à Myriam.
Le monde a tellement besoin de gens comme elle.
Merci à toi pour ce beau commentaire ! Myriam appréciera 🙂
Bonjour Sara, merci pour ton commentaire!
Je ne sais pas si il faut du courage pour entreprendre tout ça, mais il est certain qu’on a bien besoin de patience et de pugnacité!
Quel travail fantastique. Bravo pour cette réalisation
Merci pour elle !