Nouveau portrait de voyageur sur le blog et pas des moindre puisque l’on vous emmène dans un pays que nous affectionnons tout particulièrement, le Vietnam ! Après Camille du blog l’Oiseau Rose ou encore Myriam, fondatrice de l’association Femme en Action, c’est au tour de Van Thai de répondre à nos questions afin d’en apprendre plus sur lui, sur son métier de guide local et sa vision du tourisme de masse qui touche certains endroits du Vietnam comme la majestueuse baie d’Halong !
LE VIETNAM COMME UN LOCAL : PORTRAIT DE VAN THAI NGUYEN
Xin chào Van Thai, peux-tu te présenter aux lecteurs de notre blog voyage Evasions Gourmandes ?
Je suis originaire d’Hanoï, la capitale du Vietnam. J’ai grandi dans une famille très orientée vers l’extérieur car mon père travaillait dans le Ministère des Affaires Étrangères. J’ai passé une partie de mon enfance en Thaïlande, là où mon père a passé 10 ans à l’Ambassade du Vietnam à Bangkok. Donc c’est résolument l’éducation familiale qui a forgé mon ouverture d’esprit. Naturellement une volonté de faire des études à l’étranger s’est installée très tôt chez moi.
Après le bac en 2003, j’ai débarqué en France dans le but de faire des études d’architecture pendant deux ans. Mais le destin m’a complètement basculé vers une autre voie : celle du tourisme et de la culture. Au lieu de deux ans, j’ai passé 8 ans dans l’Hexagone ! Après avoir obtenu un Master en Administration des Affaires, spécialisé en Management Touristique, je suis rentré au Vietnam en 2011. Je travaille actuellement dans le même domaine.
Tu as plusieurs cordes à ton arc (formateur, guide, blogueur, consultant…). Pourquoi exercer tous ces métiers ?
En fait, c’est toujours dans le même métier du tourisme mais avec des postes différents. Pour expliquer ça, il faut remonter à mon parcours en France où j’ai eu la chance de découvrir plusieurs facettes du métier à travers des stages ou des emplois : réceptionniste dans un hôtel, service commercial chez Pierre&Vacances, service de réservation dans une agence de voyage, concepteur de voyages chez Voyageur du Monde, conseiller de voyages dans un Office de Tourisme, etc. Grâce à cette large gamme de responsabilités, j’ai acquis un bagage très solide dans le métier. Quand je suis revenu au Vietnam, j’ai voulu avoir un aperçu complet de l’industrie touristique du pays en tant que professionnel. Et donc j’ai appliqué la même méthode en France : occuper des postes différents pour visualiser le domaine sous des angles variés. Et tout ça pour contribuer mon savoir-faire au pays de façon adéquate. Aujourd’hui, les ressources humaines sont l’un des facteurs clés du succès dans le tourisme du Vietnam et notre enseignement supérieur a encore beaucoup de choses à faire si l’on veut que les jeunes diplômés soient compétents. J’ai vu comment les jeunes français souffrent du chômage en France, et je ne souhaite pas que mes jeunes compatriotes subissent le même sort, surtout dans le domaine touristique qui se développe pas mal. Donc je souhaite contribuer toutes mes expériences et connaissances du métier au service des jeunes. C’est pourquoi je suis devenu formateur. Grosso modo, tous les postes que j’occupe actuellement sont complémentaires et je m’en réjouis pleinement.
Pourquoi as-tu crée Indochine en profondeur ? Quel message veux-tu faire passer ?
La naissance du blog vient d’un constat : dans la blogosphère francophone, on trouve souvent des globe-trotteurs et des expats qui parlent de l’Indochine. Mais je ne trouve pas de blogs rédigés par les locaux francophones qui parlent de leurs propres pays. Soyons bien clairs là-dessus : comment on peut connaitre un pays au bout des doigts sans y être né et avoir grandi ? Tu peux être le meilleur voyageur aguerri qu’il soit, le champion routard capable de vadrouiller à travers le pays à moindre coût. Mais ce sont les gens du pays qui connaissent leur pays mieux que toi, surtout au niveau culturel. Et bien, le blog Indochine en profondeur est né justement pour offrir une vision plus fidèle et complète sur le pays. Donc c’est une source complémentaire que les lecteurs peuvent combiner avec les autres blogs.
Le deuxième constat : j’ai le sentiment que plusieurs voyageurs passent peu de temps en ville pour vraiment s’imprégner de l’atmosphère du lieu, et surtout pour comprendre son âme. OUI, une ville a une âme comme la personnalité d’une personne. Parfois, ce n’est pas à travers des monuments que vous saisissez l’âme d’une ville. C’est dans les ruelles cachées, des rencontres improvisées, des repas chez l’habitant que l’on vit la ville. Malheureusement les gens sont trop hâtifs boudent les villes, donc ils ratent l’âme. La raison d’être de mon blog, c’est de partager le maximum d’informations possible pour permettre aux voyageurs de vivre le Vietnam et de capter cette âme-là. Mon message est clair : ne visitez pas le Vietnam, prenez le temps de le vivre pour mieux le comprendre
Ne visitez pas le Vietnam, prenez le temps de le vivre pour mieux le comprendre
Nous avons été très attristés par ton article sur la Baie d’Halong. En quelques années, elle s’est transformée jusqu’à y « perdre son âme ». Que ressens-tu par rapport à cela ?
Je sais que c’est très triste de savoir cette vérité. Et je suis mille fois plus triste que vous. J’ai grandi avec la Baie d’Halong. Quand j’étais petit, je passais les vacances avec mes parents dans cette merveille naturelle, on savourait chaque instant dans ses eaux émeraudes. L’âme de la Baie d’Halong se réside non seulement dans la beauté sauvage des formations karstiques mais aussi dans la simplicité des villages de pêcheurs. Le développement mal maîtrisé du tourisme local a donné beaucoup de dégât à la personnalité d’Halong. J’ai déjà senti la dégradation en 2005 quand les autorités locales ont donné le feu vert à la construction de l’ȋle artificielle de Tuan Chau. Et à partir de 2014, les choses se sont aggravées. Les autorités locales s’en fichent complètement du tourisme durable, leur vision est trop courte pour comprendre les enjeux de la Baie d’Halong. En tant que professionnel du tourisme, je vis très mal avec se qui se passe.
Est-il encore possible de découvrir une baie d’Halong authentique ?
Oui il est toujours possible de visiter ce type de paysage autrement. Je dis ce type de paysage car la Baie d’Halong n’est pas le seul endroit à posséder une telle beauté naturelle. Il y a aussi la Baie de Bai Tu Long, la Baie de Bach Long Vi et la Baie de Lan Ha. L’effet des média met trop d’accent sur la Baie d’Halong du fait de la reconnaissance de l’Unesco. En fonction du budget dont vous disposez, je vous recommande de découvrir l’ȋle de Cat Ba avec sa Baie de Lan Ha, située à l’Est de l’île. Pour l’instant, c’est encore une zone qui est préservée du tourisme de masse. L’authenticité ici est plus garantie grâce à un facteur principal : éloignement géographique par rapport à la terre ferme, ce qui explique les trajets en hydro-glisseur. L’accès difficile décourage un bon nombre de touristes d’y aller, surtout pour ceux qui cherchent le confort. Mais c’est pas si difficile que ça, une heure de trajet en hydroglisseur n’est pas trop mal.
L’ȋle de Cat Ba se démarque par la variété des activités. En plus de la croisière en mer, vous pouvez aussi passer quelques jours sur l’île principale pour faire de la rando à travers son parc national, visiter quelques vestiges de la guerre, sillonner l’île à moto, faire du kayak à travers les villages de pêcheurs.
L’Ile de Cat Ba n’atteint pas le niveau colossal de la Baie d’Halong, mais il ne faut pas croire non plus que c’est une île déserte. Pour les vacanciers vietnamiens qui ont peu de moyens, Cat Ba est quand même une très bonne alternative pour sentir un peu la plage. Donc en été (mai, juin, juillet), les plages sur l’île sont bondées, les hôtels sont surbookés et bien sûr les prix grimpent. Mais n’ayez pas peur, les Vietnamiens n’aiment pas trop s’aventurer hors des zones animées donc la plupart restent sur l’île. Cela veut dire que vous pouvez toujours trouver un endroit calme, il suffit de louer un bateau pour prendre le large de la mer. Si non, même pour le reste de l’année, Cat Ba n’est pas aussi fréquentée que la Baie d’Halong. Avec une flotte de 70 bateaux, on est encore très loin de 400 bateaux dans la Baie d’Halong !
Comment vois-tu l’avenir du tourisme au Vietnam ?
Malgré l’incompétence des autorités locales, le Vietnam a encore un bel avenir. On possède une bonne diversité naturelle et culturelle. Quitte à déterminer vers quelle voie le pays souhaite s’orienter. Dans le domaine privé que je suis, les sociétés privées ont fait énormément d’efforts pour encourager le tourisme durable. Quelques ligues d’agences locales se sont regroupées afin d’avoir un poids conséquent en terme financier et humain. Et avec ça, on espère mettre en place une forme de tourisme communautaire que je trouve très adaptée à l’heure actuelle. Pour moi, l’avenir du tourisme au Vietnam devrait s’appuyer sur le qualitatif et pas quantitatif.
Parle nous de Terre d’Annam, ton agence de voyage locale.
Terre d’Annam est un projet récent et c’est intimement lié à mon blog Indochine-en-profondeur. C’est le fruit d’une rencontre par hasard entre moi et Bao Thu, une associée de ce projet. Nous avons plusieurs points en commun et sommes complémentaires : tous les deux sommes d’anciens étudiants vietnamiens en France, on a fait les études supérieures en Tourisme, on a plus de dix ans d’expérience dans le domaine, et surtout on partage la même philosophie du voyage basée sur le tourisme responsable.
Notre projet est en cours de réalisation : nous avons déjà obtenu une licence de voyage et nous sommes en train de travailler sur le site web qui sera opérationnel d’ici deux mois. Le concept de Terre d’Annam n’est pas nouveau à nos jours: le sur-mesure et l’authenticité. Mais c’est dans l’approche que nous nous démarquons. L’innovation est le moteur de l’agence : nous sommes toujours à la recherche de nouvelles idées pour permettre aux voyageurs de rencontrer des gens, de découvrir les lieux autrement et de vivre des expériences authentiques. Nous les testons, validons et nous n’hésitons pas à faire appel à des blogueurs influents pour les tester. Nous fonctionnons à l’instar des cuistots : un bon resto, c’est une adresse qui propose peu de plats dans son menu mais excellents, et on ne cesse de les tester pour les améliorer. Donc nous développons deux formules principales : soit les escapades urbaines soit les séjours d’immersion.
Les escapades urbaines concernent les villes clés en Indochine : Hanoï, Hoi An, Saigon, Siem Reap et Luang Prabang. Ce sont des incontournables quand vous visitez l’Indochine. Et pourquoi cette gamme ? On constate que les gens sont souvent trop hâtifs quand ils font étape dans ces villes et j’ai l’impression qu’ils passent trop de temps à enchaîner les visites des monuments. En outre, plusieurs voyageurs boudent les villes pour chercher leur « hors des sentiers battus » dans l’espoir de trouver l’authenticité ailleurs. C’est une erreur. On n’a pas besoin de s’aventurer pour trouver l’authenticité. Elle est là, en ville. J’ai conçu une belle sélection d’activités et les voyageurs peuvent les choisir à leur guise afin de mieux capter l’âme de la ville. Ça peut être le dîner chez l’habitant en plein cœur d’une ville pour mieux comprendre l’espace de vie et la bonne manière autour de la table, rencontre avec un moine bouddhiste dans une pagode en banlieue pour bien saisir le principe de la religion, balade culinaire pour appréhender la cuisine de rue, participer à une session de travail dans les vergers pour comprendre l’agriculture urbaine. Les choix ne manquent pas !
En ce qui concerne les séjours d’immersion, nous travaillons en collaboration avec les familles d’accueil à la campagne ou en zone montagneuse pour mettre en place un système de tourisme communautaire. L’hébergement est le cœur du produit et autour de ça, nous proposons une large palette d’activités propre à chaque région. Ainsi, les voyageurs peuvent capter le mode de vie de la région. Le style d’hébergement varie en fonction de la géographie : maison sur pilotis chez l’ethnie Thai Blanc, maison en torchis chez les Dzaos Chanvres, cabane flottante chez les pêcheurs à Cat Ba, maison en brique chez les Viets dans le Delta du Fleuve Rouge, maison-jardin dans le Delta du Mékong. Et les activités sont aussi diversifiées que le style architectural : repiquage du riz dans la plaine, pêche aux calamars dans la baie, production de sel à l’embouchure du Fleuve Rouge, etc.
Quels sont pour toi, les 5 endroits à ne pas manquer au Vietnam ?
Côté naturel, c’est résolument l’ȋle de Cat Ba avec son Parc National et la Baie de Lan Ha. Ensuite c’est les arroyos du Delta du Mékong avec ses marchés flottants. Et puis les rizières en terrasse aux alentours de Sapa. Côté urbain, c’est la capitale Hanoï avec son Vieux Quartier des 36 corporations. Puis Hoi An la cosmopolite avec ses ruelles hors du temps.
A propos de Hoi An, j’y irai bientôt en juin pour passer les vacances en famille et dénicher de nouvelles adresses et découvrir de nouvelles idées. C’est vraiment ma destination préférée au Vietnam.
Tu es également atteint du virus du voyage. Pourquoi aimes-tu tant voyager ? As-tu des pays « coup de cœur » ?
C’est mon père qui m’a transmis le virus de voyage et son éducation a forgé mon ouverture d’esprit. J’aime voyager car c’est le meilleur moyen de comprendre le monde et d’élargir les horizons. J’ai eu une chance de faire des études en France. Pendant 8 ans dans l’Hexagone, avec un permis de séjour, j’ai pu vadrouiller à travers une trentaine de pays. Mon coup de cœur est l’Espagne. Même si la France est la meilleure destination touristique du monde, je ne la considère pas comme un pays à visiter. Car la France est ma deuxième patrie !
Quels sont tes projets pour la suite ?
Le projet pour la suite est toujours en lien avec Terre d’Annam. Je travaille en étroite collaboration avec quelques villages pour mettre en place le tourisme communautaire. C’est une forme du tourisme du futur et j’espère que ma petite contribution aidera le Vietnam à préserver sa culture. Et ça donnera aussi aux voyageurs la chance de découvrir le pays en profondeur.
Le blog : indochine-en-profondeur.com
Le site de l’agence Terre d’Anman : en cours de réalisation
Sur Facebook : https://www.facebook.com/thai.balo.5
ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER DU BLOG EVASIONS GOURMANDES
Inscrivez-vous pour recevoir nos conseils voyage, la recette du mois et nos dernières actualités et découvertes
Pas plus d’1 newsletter par mois, c’est promis !
Laisser un commentaire